Aujourd’hui je suis passé devant mon ancienne maison, je me sens abandonné comme bien des endroits que j’ai eu l’occasion de visiter. Je crois avoir perçu exactement les mêmes sentiments que tous ces murs ont pu ressentir lors de mon départ. J’ai été vidé de mon contenu, sans rien oublier, le plein de vie que j’avais a disparu et le seul bruit qui court dans ma tête se trouve à s’apparenter à un grésillement de transformateur qui règne à lui seul dans ces vastes espaces. Tuez Étienne! C’est l’un de ceux que j’abandonne peu à peu. Étienne est le soldat par excellence; il est fidèle, dur comme fer, ne tire pas pour rien et il est toujours au garde à vous dès qu’on a besoin de lui. Il a beau aller à la guerre, il est inutile parce qu’il ne cause qu’encore plus de problème dans la vie. Il y a près d’un an encore j’étais aux anges sans me poser aucune question, si naïf je pouvais être. Aujourd’hui, devant mon ancienne maison, j’en suis complètement désillusionné, peut-être bien trop. Stagnant comme une marre d’huile dans une usine abandonné par sa famille d’ouvriers qui s’enrichie ailleurs sans aider la cause perdue. Ma salle électrique commence à faire défaut et je n’ai plus de techniciens pour la réparer.
Sa dure depuis maintenant quatre ans. Depuis que j’ai abandonné ma vie d’enfant, ma vie de quartier, ma vie amicale, ma vie en entier; je me cherche, je suis toujours à vendre. Le seul moyen de valoriser mes murs qui se parlent entre eux se trouve à être ceux qui me pénètrent pour me prendre sur un dispositif. Cette valorisation est notamment la cause de mon abandon; cette valorisation ne sert strictement à rien pour l’employeur qu’est le travail rémunéré, le désastre de cet abandon. Mes murs risquent d’être démolis par une entreprise de pensées mélangées. J’en conclu rapidement que le contrat est déjà signé sans même mon consentement et j’essaie de fuir le plus possible, aussi statique que je peux l’être. L’eau ruisselle entre les petites craques des briques de mon globe oculaire, j’en perds le contrôle, le mal est fait. Je me sens sur mon heure de départ éternel vers le dépotoir à déchets, aussi nombreux que nous somme. Je ne suis plus qu’abandonné, je suis démoli.